Élections aux USA: Nous sommes au pied du mur!
Par Jc Lagarde
Publié le 31 Oct, 2024
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Notre avenir se décide-t-il à Tucson, à Charlotte ou à Philadelphie ?

A quelques jours des élections aux États-Unis, l’ensemble des citoyens européens devrait être saisis d’une gêne et nos dirigeants d’un sentiment de honte.

Dans l’attente du 5 Novembre, et d’une élection à la Maison Blanche plus incertaine que jamais, tous les yeux européens lucides sont braqués sur l’Arizona, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie ou la Rustbell. Les journalistes, les milieux économiques et financiers, les diplomates, les militaires et même nos « responsables » politiques sont en proie à cette fièvre quadriennale, qui nous fait regarder notre avenir à travers la boule de cristal des USA.

Ce vote au mode de scrutin suranné (et si étrange pour des États non fédéraux), que nous connaissons si mal et où celui qui obtient le plus de voix peut perdre  l’élection, concentre notre attention tous les 4 ans, tant ce qui s’y décidera impactera l’ensemble de nos vies.

Cette année, sans doute plus que jamais, l’enjeu est capital pour notre pays, notre continent et le fonctionnement du monde. Mais comme tous les 4 ans, nous regardons impuissants un feuilleton qui écrit notre destin sans que nous n’ayons aucune part à y prendre. Et comme tous les 4 ans, nous oublierons les leçons de cette dépendance insupportable dés le résultat connu…

Ainsi, dans l’apathie et le manque de courage de ceux qui gouvernent le continent européen, des électeurs américains, dont plus de la moitié est incapable de placer l’Europe sur une mappemonde, vont décider pour nous et nous n’en tirerons aucun enseignement. Nous poursuivrons nos petits débats habituels, pour faire semblant d’avoir encore prise sur nos propres vies.

Pourtant, on ne peut pas dire que nous n’avons pas été prévenus.

Le premier mandat loufoque de M. TRUMP avait montré combien nous étions fragiles et dépendants du bon vouloir de la Maison Blanche, d’une démocratie américaine bien malade, et de notre absence de volonté et d’unité politique face à une puissance américaine qui est en train de se réinventer, fut-ce dans la douleur.

Un second mandat TRUMP nous plongerait tous rapidement à la fois dans une soumission commerciale brutale,  une vulnérabilité militaire inconnue depuis 1945 et un décrochage technologique et économique déjà bien trop amorcé. Elle nous soumettrait, en plus, à des réactions erratiques et dangereuse d’un homme dont l’équilibre psychique prête pour le moins à discussion.

Mais ne nous y trompons pas, la victoire de Mme HARRIS ne constituerait qu’un sursis illusoire et transitoire.

Car s’il est une chose sur laquelle l’État profond américain (Démocrates et Républicains) est d’accord c’est sur la mort du fameux « consensus de Washington » et l’adoption d’un nouveau consensus à Washington.

Le consensus de Washington c’était, après la seconde guerre mondiale, la volonté d’imposer la « pax americana » (au besoin par les armes) en s’appuyant pour la financer sur une mondialisation progressivement débridée au profit de l’économie des USA. Le roi dollar, les lois US extra-territoriales, et des accords économiques déséquilibrés en échange de la protection militaire de l’US ARMY en ont été les instruments depuis plus d’un demi siècle.

Ils ont été successivement utilisés pour reconstruire l’Europe (alors principal partenaire commercial) ruinée par la guerre, contenir l’expansion soviétique, contrôler la principale source d’énergie au moyen orient et assoir une suprématie sans conteste dans l’Océan Pacifique.

Et les résultats sont là. En 70 ans, jamais le monde n’a connu une expansion économique aussi forte. Jamais la richesse et la prééminence des USA ne se sont accrues à une telle vitesse. Mais jamais le continent européen, le Japon et l’Asie du Sud-Est, le moyen orient n’avait autant dépendu de ce qui se tramait, se négociait et se décidait dans les couloirs du Congrès Américain, sous l’influence de puissants lobby économiques aux intérêts devenus mondiaux.

L’effondrement économique de l’ennemi soviétique à la fin du siècle dernier, puis l’ouverture progressive de la Chine au reste du monde ont radicalement changé la donne. L’effondrement du communisme russe a donné à Washington l’impression que plus rien ne viendrait contester son « leadership », une notion quasi sacrée en langue américaine. L’irrésistible appât du gain, qui est un moteur fondamental de l’unité et de la cohésion de ce peuple de migrants qui constitue la nation américaine, a ensuite poussé à ignorer le risque que la montée en puissance de la Chine n’en fasse un jour un rival dangereux.

Ces deux illusions ont commencé à se dissiper sous le mandat du Président OBAMA. C’est alors que les élites démocrates et républicaines ont commencé à réaliser que l’ambition de la Chine était devenue le leadership mondial et qu’elle pouvait y parvenir. Et c’est insupportable pour les USA car cela mettrait en péril l’ensemble de l’édifice de puissance et de richesse construit patiemment depuis 1945.

Le « deep state » a alors commencé à conceptualiser un nouveau consensus à Washington.

Celui-ci pose comme principe que la Chine doit être entravée et affrontée économiquement le plus rapidement possible pour l’empêcher de devenir un vrai rival militaire et diplomatique.

Le plus rapidement possible, c’est-à-dire en fonction du faisable, car l’interdépendance nourrie par les années de mondialisation dérégulée qui ont fait des chinois à la fois des clients et une usine du monde indispensables, doit d’abord être réduite au plus vite pour réduire les fragilités US.

Et par tous les moyens possibles, en abandonnant le libéralisme mondialiste pour un protectionnisme volontariste s’armant de taxes, de droits de douanes, d’interdictions commerciales, de subventions massives aux technologies de pointe comme à la réindustrialisation, ou encore aux déplacements concertés d’investissements privés depuis la Chine vers des pays plus sûrs et non rivaux.

Tout le reste des politiques américaines est conditionné par ce pivot de l’Europe vers l’Asie et du libéralisme vers le protectionnisme. Et cela pour les républicains aussi bien que pour les démocrates (qui l’ont d’ailleurs initié). Simplement, avec un TRUMP au pouvoir ces pivots seront plus brutaux et profonds qu’avec une administration démocrate. Cette dernière y mettrait plus le temps et les formes, sans dévier d’un iota d’un objectif qui en fait leur est commun.

Nous pouvons nous en plaindre ou le regretter. Nous avons tort.

Car après tout, les dirigeants américains ont pour rôle premier de défendre les intérêts fondamentaux des américains, pas des européens.

Cela paraît une évidence dit ainsi, mais malheureusement pas dans nos débats politiques.

Car si on accepte cette idée, pourtant évidente, alors on comprend que nous espérons avoir un dirigeant à Washington qui soit plus sympathique avec nous (ou au moins moins agressif), simplement parce que nos dirigeants n’ont pas le courage de prendre notre avenir en main et de faire de l’Europe la puissance économique, diplomatique et militaire qu’elle devrait être si elle veut recouvrer indépendance et souveraineté.

Cette lâcheté, cette incapacité à dire à nos peuples cette vérité va coûter cher à notre civilisation deux fois millénaires. Car elle survient au moment où la guerre ressurgit sur notre continent, où la transition énergétique qui réduira notre dépendance ne fait que commencer, où l’ordre mondial américain (et non pas occidental) est remis en cause par l’alliance de plus en plus resserré de la Chine, la Russie, l’Iran, la Corée du Nord, mais aussi de nombre de pays du « sud global » autrefois aussi soumis que nous. Elle s’étale à la vue de tous au moment où les révolutions technologiques de l’intelligence artificielle et de la robotisation, notamment, accélère notre décrochage économique et technologique. Elle nous paralyse au moment où le réchauffement climatique nous impose des défis économiques, écologiques, alimentaires et infrastructurels majeurs.

Tous ces enjeux cruciaux, nous sommes en train de passer à côté. Pire, nos dirigeants les passent sous silence.

L’ordre du monde est en train de se réécrire, ce qui, dans l’histoire, signifie toujours une redistribution des cartes favorisant les intérêts et la prospérité des uns, au détriment des autres. Cela se fera souvent dans la violence et à travers des affrontements dont nous nous contentons d’être les prisonniers, les otages. Mais surtout, cela se fera sans nous, sans personne pour nous défendre puisque nous ne nous défendons pas nous-mêmes…

Si TRUMP est élu, il ne nous reste plus de temps pour nous réveiller et faire enfin face à nos responsabilités. Si c’est HARRIS, il ne nous en restera qu’un peu plus, mais pas beaucoup.

Après cette nouvelle élection US dont nous aurons été des spectateurs gourmands, parfois anxieux mais toujours impuissants, y aura-t-il des dirigeants lucides sur notre continent pour se lever et montrer à nos peuples le chemin de l’indépendance et la souveraineté retrouvées ?

Bien sûr, il sera coûteux et nécessitera des efforts considérables.

–              Faire enfin de l’Euro une monnaie alternative au dollar et adopter des lois extra territoriales qui s’appliquent à nos concurrents, comme le font les américains

–              Bâtir un complexe militaro-industriel commun, se mettre en capacité d’assumer notre propre défense face à la Russie

–              Construire une alliance stratégique avec l’Inde (seule grande nation non engagée dans la compétition sino-américaine)

–              Faire du développement de l’Afrique un enjeu majeur pour l’Europe (tant pour limiter les migrations, accéder aux ressources naturelles et en faire un grand  marché solvable

–              Accepter la mise en commun de nos recherches et technologies de pointe et en restreindre l’utilisation par nos concurrents

–              Développer une industrie d’énergies renouvelables pour ne plus être dépendants et réduire le réchauffement climatique

Voilà autant de priorités qui seraient aussi indispensables, urgentes que coûteuses. Mais bien moins coûteuses que ce nouveau monde qui risque de s’écrire sans nous, c’est-à-dire contre nous !

Pour paraphraser un ancien Président français, faute de le réaliser très rapidement c’est cette fois-ci l’homme européen qui va passer à côté de l’Histoire. En mesurons nous le coût et les conséquences ? Qui le dira à nos peuples ?

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Jc Lagarde
Jean-Christophe LAGARDE est membre honoraire du Parlement

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