Il est de ces affaires, d’abord industrielles et juridiques, qui deviennent des scandales politiques quand les responsables publics, y compris au sommet de l’Etat, confondent intérêt public , santé publique , intérêts industriels et intérêts particuliers .
L’affaire Nestlé waters concerne, selon les éléments rendus publics par la presse d’investigation ainsi que l’ONG lanceuse d’alertes dans le domaine de l’alimentation Foodwatch, une fraude massive au traitement avec des produits prohibés d’eau contaminées vendues comme eaux minérales naturelles. Cette fraude concerne un certain nombre de marques leader du groupe ( Perrier , Vittel, Hepar) ainsi que celles d’une autre groupe industriel Sources Alma.
Elle éclate en avril 2024 quand le journal « Le Monde » publia une note de l’ARS d’Occitanie, conseillant au groupe Nestlé d’arrêter la production sur son site de Vergèze dans le Gard du fait d’ « une pollution fécale et un risque virologique ». L’agence régionale de santé poursuit sa recommandation en indiquant que : « ces sources contaminées ne devraient plus être exploitées pour produire de l’eau minérale naturelle. »
À l’époque le groupe industriel se veut rassurant et communique sur la composition habituelle de ses eaux minérales.
Cependant plusieurs médias et associations continuent d’investiguer et de publier des informations sur le caractère ancien et récurrent des contaminations et des traitements non conformes remontant à 2020 ainsi que le caractère massif de ces fraudes.
C’est ainsi qu’en 2020 la DGCCRF est alertée par un salarié du groupe Alma (Vichy Saint Yorre – Chateldon , Cristaline) de l’utilisation de traitements non conformes pour « laver » des eaux contaminées et les purifier afin d’être vendues comme eaux minérales.
Se penchant sur ces procédés, sans risque à priori pour la santé, mais qui de fait ne devrait pas permettre à ces marques de commercialiser ces eaux sous l’appellation « eau minérale naturelle » , la répression des fraudes découvre que le groupe Nestlè est un gros acheteur des ces eaux produites ainsi par le groupe Alma.
Poursuivant ses investigations, la DGCCRF démontre que le groupe Nestlé lui-même utilise ces traitements et méthodes de lavage de l’eau interdits.
Le dossier remonte au cabinet du Ministre de l’industrie de l’époque Agnès Pannier-Runacher? Une enquête de l’IGAS de 2023 établit que pas moins de 30% des marques commercialisées par le groupe Nestlé subissent des traitements non conformes.
En septembre 2024 , l’entreprise paye 2 millions d’euros et ferme quatre de ses puits dans les Vosges, dans le cadre d’une transaction pénale afin d’éviter un procès suite à une plainte déposée par l’association Foodwatch.
Voilà pour le volet industriel et judiciaire.
On aurait pu en rester là, mais en décembre 2024 le Sénat crée une commission d’enquête sur « les pratiques des industriels de l’eau en bouteille et les responsabilités des pouvoirs publics dans les défaillances du contrôle de leurs activités et la gestion des risques économiques, patrimoniaux, fiscaux, écologiques et sanitaires associés ». Elle fait suite à un premier rapport d’information d’octobre 2024 qui pointait des défaillances de l’autorité publique dans la prise de décisions visant à mettre fins à ces pratiques illicites.
D’un scandale industriel à un scandale d’Etat.
La commission d’enquête, qui dispose de pouvoirs d’investigation semblables à des enquêteurs judiciaires, a donc commencé à tirer les fils de la pelote et mis à jour une véritable connivence entre l’exécutif gouvernemental, via la ministre de l’industrie Agnès Pannier, et le groupe Nestlé afin de couvrir les pratiques illégales et protéger les intérêts financiers du groupe.
Connivence qui remonte jusqu’au sommet de l’Etat dans la mesure où le secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler est mis en cause de manière explicite et à plusieurs reprises par des documents , échanges de mails et conversations téléphoniques que la commission d’enquête s’est procurés. L’Elysée savait! Et l’Eysée a couvert! Et ce dés 2022… C’est ce que démontre le rapporteur de la commission le sénateur Alexandre Ouizille.
Le refus du secrétaire général de l’Elysée, déjà mis en examen dans une affaire de prise illégal d’intérêts, de se présenter devant la commission d’enquête (alors même qu’il en a l’obligation légale), outre qu’il constitue un affront à la représentation nationale et « instille le doute » selon l’expression du sénateur, a eu pour conséquence la décision du Sénat de publier l’ensemble des documents attestant des échanges entre le secrétaire général de l’Elysée et les différents acteurs.
« L’Elysée savait » comme l’affirme à plusieurs reprises le rapporteur de la commission d’enquête et l’Elysée a couvert.
Contrairement à ce qu’a déclaré Emmanuel Macron « ni connivence , ni entente », il y a bien eu et connivence et entente.
Et l’on comprend bien pourquoi lorsque l’on se souvient qu’avant sa carrière politique Emmanuel Macron était banquier chez Rotschild et qu’il a favorisé le rachat par Nestlé de la branche nutrition de Pfizer en 2011, empochant au passage dans l’affaire plus d’un million d’euros ….
Oui d’un scandale industriel nous passons bien à un scandale d’Etat dont il faudra bien que Messieurs Kohler et Macron répondent un jour.
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