LÉON XIV : UNE ÉLECTION TRÈS POLITIQUE.
En faisant le choix surprise de Robert Francis PRÉVOST, Cardinal de Chicago, élevé à cette fonction il y a seulement deux ans, le conclave a fait un choix très politique lié à notre époque perturbée.
Ne nous y trompons pas. Les cardinaux sont bien sûr des hommes d’église et de foi. Mais ils sont aussi ceux qui ont en charge l’administration de l’église catholique, notamment dans leurs pays. Une église bien plus mondialisée qu’on ne l’imagine généralement en Europe et dont les défis géopolitiques sont très directement impactés face à notre temps d’affrontements religieux, de guerres multiples en gestation et de bouleversements politiques, économiques et sociaux.
Les cardinaux ont d’abord fait le choix d’un Pape américain, au moment où Donald TRUMP fait turbuler l’ensemble de l’organisation politique, économique et militaire du monde. Au moment aussi où le Vice-Président américain fait régulièrement de sa conversion au catholicisme un acte militant au service des politiques de l’administration TRUMP. Un catholicisme de droite extrême, pour ne pas dire d’extrême droite. Ce même Vice-Président qui a fait des pieds et des mains pour rencontrer brièvement le Pape François la veille de sa disparition, espérant ainsi donner l’impression d’une caution papale à sa lecture de sa foi; lecture totalement contraire à celle du Pape décédé.
Donald TRUMP a fait mine de s’en réjouir. Mais le nouveau Pape choisi par les cardinaux est en réalité aux antipodes du TRUMPISME.
Il est « Augustinien », comme il a souhaité le rappeler dés sa première intervention sur la place Saint-Pierre. Cela signifie que son parcours religieux s’inscrit dans la philosophie d’un ordre mendiant (dont il fût le prieur général) qui prône « la pauvreté de vie », «le partage des biens », « la charité », « le soin des malades », « le pardon sans discuter » et « l’absence de paroles dures ». Tout le contraire de la politique du Président des USA, dont la parole est tonitruante, qui ne vante que l’égoïsme et l’enrichissement de chacun, quelqu’en soit le prix pour l’environnement, la solidarité nationale et internationale ou même la paix.
L’essentiel de son parcours ecclésiastique s’est déroulé en amérique du sud, particulièrement au Pérou, auprès de populations pauvres, aujourd’hui pourchassées et humiliées aux États-Unis par l’administration TRUMP. En cela, les 17 cardinaux sud américains ont sûrement vu en lui un futur soutien moral dans ce continent où le catholicisme est extrêmement présent et dynamique. Mais c’est sans doute aussi le cas des 23 cardinaux d’Asie, ces deux continents étant les premiers visés par la politique migratoire du gouvernement US.
À J.D.VANCE qui, un peu sur le mode de Jean-Marie LEPEN il y à 20 ans, prétendait récemment que les chrétiens devaient d’abord aimer leur famille, avant leurs voisins, puis leur communauté, ensuite leurs concitoyens et enfin le reste du monde, le Cardinal de Chicago, qu’était alors le nouveau Pape, avait vivement répondu « qu’il avait tort » et que « Jésus ne nous demande pas de hiérarchiser notre amour pour les autres ».
On ne peut être plus clair dans le désaccord. TRUMP et les populismes montants en occident ne trouveront pas un ami dans ce nouveau Pape.
Les États-Unis d’Amérique représentent la 4ème église catholique dans le monde, avec 21% de membres dans la population. Cela en fait un communauté politiquement et socialement importante aux Etats-Unis. Et il ne fait aucun doute qu’un Pape américain aura auprès d’eux une audience plus forte, mais qu’il sera aussi davantage écouté par l’ensemble des américains. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour le tandem TRUMP-VANCE. Ce qui n’a assurément pas échappé aux cardinaux.
Car le nouveau Pape a aussi insisté, dés son intronisation, sur la volonté de paix. À l’heure où le pouvoir américain renonce à la Pax Americana et à l’ordre issu de 1945, favorisant par là l’émergence, la poursuite ou la gestation de nombreux conflits dans le monde qui eurent été impensables il y a peu encore, il est très probable que ce Pape ne sera pas un Ponce Pilate des massacres qui s’annoncent. Si l’administration américaine entend se laver les mains de ce qui se passe dans le monde, en dehors de son conflit ouvert avec la Chine, ce ne sera pas le cas du Pape Léon XIV, par nature, par inclinaison et par fonction.
Et cela aura de l’écho aux USA dont les élections parlementaires ont lieu dans 18 mois.
La philosophie augustinienne du Pape en fait aussi le porteur d’une vision sociale de l’église, ce dont témoigne le choix de son nom de règne. Léon XIII fut le Pape qui affirma cette vision. En choisissant ce nom, le nouvel élu affirme clairement sa filiation. Et là aussi, cela en fait un contrepoids à l’ultra-libéralisme de l’administration TRUMP, aux coupes sombres (au sens de peu éclairées) que M. MUSK a infligé aux budgets américains. Ces mêmes coupes sombres qui ont fait dire à Bill GATES, visant notamment la disparition d’UNITAID, que « l’homme le plus riche du monde tuait les enfants les plus pauvres du monde ». Chacun peut comprendre qu’un Pape qui a toujours prôné le partage des richesses, et qui a vu pendant deux décennies au Pérou ce la pauvreté veut dire, sera un opposant résolu à la vision isolationniste en vogue aux USA.
Le nouveau Pape était un des rares cardinaux très connecté aux réseaux sociaux. Là aussi, il sera intéressant de voir ce que donneront les publications du successeur de Pierre face aux communications compulsives et désordonnées du Président américain.
Léon XIV est fin connaisseur du Vatican, diplomate discret, grand spécialiste du droit canonique.
Il avait reçu la confiance de François pour choisir les évêques. Il est partisan d’une église synodale (c’est-à-dire plus collective). Il représente un équilibre entre progressistes et conservateurs sur les sujets de société. Il a sans doute aussi été choisi car il représentait un point d’équilibre et une garantie d’unité pour une église bousculée par François, tout en assurant une certaine continuité dans les engagements internationalistes, sociaux et environnementaux.
Au États-Unis, l’expression « the right men at the right place » est très populaire. À la lecture de ce qu’est le Pape nouvellement élu, on peut comprendre le choix des cardinaux car il cochait à peu près toutes les cases.
A côté de la Chapelle Sixtine se trouve une pièce de 9m2 appelée « la Chambre des larmes ». Tout nouveau Pape s’y retranche quelques minutes après son élection avant d’apparaître pour la première fois en public, pour y revêtir ses nouveaux habits, mais aussi s’y recueillir et prendre la première mesure de son immense nouvelle fonction.
Nul doute que, vu les motivations de son élection et les énormes enjeux que son pontificat va traverser, il y avait de quoi verser quelques larmes d’appréhension.
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