Il vient d’être élu homme de l’année par l’hebdomadaire « TIME », réélu Président des USA et semble déjà au pouvoir alors que Biden est toujours à la Maison Blanche.
Il y a beaucoup à dire contre ce personnage sulfureux, misogyne, impulsif, erratique, grossier, vulgaire et à mes yeux dangereux pour son peuple et pour le monde. Dans ce qui est encore une grande démocratie (pour combien de temps ?), il a réussi à se faire mieux élire que la plupart de ses prédécesseurs, alors même qu’il avait tenté un coup d’État en 2020 et promis de gracier les putschistes en cas de victoire. De quoi douter des électeurs américains…
Mais il faut reconnaitre qu’il s’y entend pour manœuvrer le peuple américain en abordant, avec ses mots, les sujets qui les touchent directement quand l’intelligentsia parle d’une Amérique plus théorique, plus mondialisée et plus rationnelle. Le fond de ses propos, de la politique qu’il propose, vise à s’occuper des américains d’abord, quitte à abandonner le leadership diplomatique et moral qu’entendaient exercer les USA depuis 1945. Le leadership diplomatique, pas économique, ni militaire.
Il entend bien continuer à imposer des règles d’échanges économiques déloyales vis-à-vis des pays tiers pour accroître encore la puissance économique de son pays et s’en servir pour financer l’appareil militaire le plus puissant du monde.
Au cas où on viendrait disputer ou entamer militairement cette toute puissance économique…
Et cela correspond à ce qu’attendent une majorité d’américains qui se fichent comme d’une guigne de ce qui se passe en Europe, au Moyen-Orient (maintenant qu’ils sont autonomes en pétrole), en Afrique ou ailleurs.
Pour les USA, cette stratégie, cette orientation sera perdante à terme. Car l’impérium exercé par les Etats-Unis depuis 79 ans n’était acceptable que parce qu’il était accompagné d’un message porteur de liberté, de démocratie, de droits humains face aux dictatures de toutes natures. Bien sûr, ils acceptaient des entorses aux grands principes qu’ils proclamaient (comme des dictatures en Amérique Latine, ou en Asie du Sud-Est), mais l’image principale demeurait celle de la statue de la liberté, constitutive et essentielle du fameux rêve américain qui a inondé le monde.
Ils rassemblaient ainsi facilement derrière eux le camp des démocraties, par adhésion et non par contrainte. C’est ce qu’on pourrait appeler l’empire américain, comme le monde en a connu bien d’autres avant. Mais les empires tiennent bien plus par l’adhésion que par la contrainte. Quand ils n’ont que la contrainte, le rapport de force et manquent de légitimité affective et morale, ils commencent à décliner. Et c’est ce que les Etats-Unis devraient craindre de cette nouvelle orientation politique.
Car si le rêve américain projeté à l’extérieur était bien l’aspiration à la démocratie et à la liberté, à l’intérieur il s’accompagne aussi, et surtout, de l’exigence de prospérité.
Les Américains ne demandent pas grand-chose à l’État fédéral ; essentiellement qu’il leur laisse la chance de gagner un maximum d’argent (je dis bien de gagner et non pas de donner comme nous l’attendons trop souvent de l’État en France). Et d’avoir une chance (même pas égale) de progresser dans leurs conditions de vie matérielle et leur position sociale. Si chez nous l’État est une sorte de Dieu dont nous attendons tout, aux USA l’État est perçu avec méfiance et toujours considéré comme trop cher et envahissant.
TRUMP répond assurément à cette seconde aspiration du moins d’État, moins de règles, moins d’impôts, et plus de chance de trouver un bon « business ». Évidemment, cela limite énormément toute possibilité de conduire de grandes politiques publiques dans des domaines comme le changement climatique, l’éducation ou la santé.
TRUMP ne répond en revanche en rien à la notion que les Etats-Unis ont affirmé à la face du monde pendant des décennies de liberté et de démocratie.
Ses adversaires politiques ne sont pas seulement copieusement insultés, ils sont menacés de poursuites par une justice instrumentalisée, et même de se voir opposer l’armée en tant que traitre à la patrie. Les nominations parfois fantasques qu’il a déjà annoncées, comme la grâce très rapide aux putschistes du 6 janvier 2020 viendront symboliser lors des premiers pas de son retour, qu’à l’égalité de droits et de devoirs, à la justice, il préfèrera toujours le clan de ses partisans, comme dans une vulgaire dictature.
Il sera donc le vecteur d’un changement d’image majeur pour les USA, d’une fêlure plus grave qu’il ne le croit dans la vitrine américaine, encourageant les peuples à se détourner des États-Unis, à ne plus y voir de vraies différences avec les régimes autoritaires qui refleurissent partout, y compris dans certaines démocraties occidentales.
C’est en cela que TRUMP va gravement affaiblir son pays dans le monde et cela se payera à terme par la contestation de cet ordre mondial né après 1945 et qui est si profitable aux USA.
Mais en attendant, le plus impressionnant se déroule sous nos yeux et prouve le dérèglement démocratique de ce pays, tout comme la toute puissance américaine.
Il entrera en fonction le 20 Janvier prochain. Et pourtant, depuis plus d’un mois, tout se passe comme s’il dirigeait déjà la première puissance du monde. Comme si Joe Biden avait déjà disparu.
Il nomme ses ministres, déclare des amnisties, voit les poursuites judiciaires contre lui abandonnées ou suspendues, annonce les purges de hauts fonctionnaires qu’il entend conduire (entraînant une cascade de démissions), et discute en direct avec des dirigeants étrangers au nez et à la barbe des diplomates américains. A Washington, il y a deux Présidents en exercice pour la première fois dans l’histoire. Et personne, à part quelques parlementaires démocrates ne s’en émeut alors même que des crises graves sont en cours, par exemple en Syrie ou en Ukraine, où le Président en exercice est ficelé par les déclarations de son futur successeur.
Mais le plus surprenant c’est que sa méthode, pour le moins peu respectueuse des institutions et traditions démocratiques, semble fonctionner pour le moment.
Les fonctionnaires et militaires menacés quittent leurs fonctions sans qu’il ait à les limoger. Les magistrats, très vindicatifs hier encore, arrondissent les angles pour l’épargner. Les futurs nominés commencent à dicter sans résistance les nouvelles règles qu’ils souhaitent établir, alors qu’il faudra tout de même composer avec le Congrès Américain. Tout se passe dans cet intermède comme si la toute-puissance, sans aucun contre-pouvoir, lui avait été accordée par sa réélection.
Et la toute-puissance américaine se découvre aussi dans cette méthode.
Il menace de droits de douane la Chine, le Canada, le Mexique et de nombreux pays. Et tous déjà appellent à des négociations, sont prêts à des concessions qu’ils n’auraient pas envisagées hier.
Il menace les BRICS qui veulent créer une autre monnaie d’échange que le dollar pour s’affranchir de la tutelle américaine. S’ils le font, ils ne pourront plus exporter aux États-Unis. Le message a été bien reçu et ils abandonneront leur projet.
Il menace d’abandonner l’Europe à son triste sort sécuritaire face à Vladimir POUTINE si nos budgets de défense n’augmentent pas fortement. Et l’Europe crée déjà un fonds de 500 milliards de dollars pour son réarmement (enfin et tant mieux). Et comme l’industrie de l’armement européenne est en lambeaux, ce sont les sociétés américaines d’armement qui en profiteront.
Il menace le Hamas, le Hezbollah et l’Iran si les otages Israéliens ne sont pas libérés avant sa prise de fonction, et déjà le Hamas est à la recherche des otages dispersés en vue d’accepter un cessez-le feu.
Il menace le Président Ukrainien de couper l’approvisionnement en armes américaines et celui-ci est conduit à réclamer lui aussi un cessez-le feu en tentant de sauver ce qui peut l’être.
Bref, sur le plan intérieur comme extérieur, il bouscule tout, toutes les règles, toutes les habitudes. Et rien ne lui résiste, toutes les outrances lui réussissent ! De quoi à faire perdre la tête à un homme très équilibré, ce qui n’est pas la première impression que donne le « à nouveau » Président américain.
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