Néonicotinoïdes: Le suicide imposé!
Par Pierre ROUVROY
Publié le 2 Nov, 2025
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L’interdiction précipitée des néonicotinoïdes, comme l’acétamipride, est un exemple assez fou de ce que le manque de courage politique peut produire comme catastrophe pour des filières entières.

Sous la pression de certains écologistes, et de la meute médiatique parisienne, la France est le seul pays du monde (et donc de l’Union Européenne) à avoir interdit l’utilisation de ces produits dés décembre 2020. Dans l’Union Européenne, ce sera 13 ans plus tard.

Si personne ne conteste la nécessité de mettre fin à l’utilisation de ces insecticides, la France l’a fait à la fois sous de mauvais prétextes et sans tenir compte de l’avancée de la science.

Sous de mauvais prétextes car on a fait craindre aux consommateurs des risques pour la santé, alors que ceux-ci sont très incertains (voire nuls) si on limite les doses d’épandage autorisées aux normes européennes. De plus, l’effet principal de ces produits sur des aliments disparaît rapidement dans la nature (entre 5 et 15 jours) et sous l’effet d’un lavage à l’eau. Le plus grand risque de ces produits pour l’homme est en réalité pour les agriculteurs qui l’épandent, en cas d’absence de protection individuelle ou de mauvaise utilisation. Marginalement, il pouvait atteindre les populations voisines d’un champ lors de l’épandage. Raison pour laquelle la loi a prévu l’interdiction d’épandage à moins de 10 mètres d’une propriété voisine habitée.

En revanche, la toxicité de ces produits est avérée et documentée sur un certain nombre d’insectes pollinisateurs, dont les abeilles (surtout les larves), et animaux du sol, dont les vers de terre. Cela suffit en soi à rendre nécessaire l’interdiction de ces produits pour préserver la nature qui a besoin de ces animaux.

Sans tenir compte de la science, car outre les éléments présentés ci-dessus, il a été prétendu qu’on pouvait facilement s’en passer en agriculture ou les remplacer par d’autres techniques. Or c’est faux, comme vient de le montrer une étude de l’Institut de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement. Celle-ci montre qu’il n’existe actuellement aucune alternative efficace à ces produits et que les chutes de production sont énormes du fait d’invasions d’insectes parasitant les cultures.

Elles sont telles qu’elles mettent en danger de disparition les filières françaises de production de betteraves, de cerises, de navets, de pommes, de poires ou de noisettes.

En effet, la chute production, pouvant aller jusqu’à 50%, dans ces filières privées d’insecticides efficaces, rend ces produits si chers pour le consommateurs que ceux-ci s’en détournent. Ou plutôt, se tournent vers les même fruits et légumes, produits dans l’Union Européenne dont les coûts sont très inférieurs puisque ces insecticides ont protégé les agriculteurs contre ces pertes abyssales.

Rien que sur un plan économique, n’importe quel enfant comprendrait que l’interdiction par la France, seule, de ces insecticides tout en autorisant la mise sur le marché d’aliments ayant « bénéficié » de ces produits en Europe est une suicide imposé à nos filières.

Car de deux choses l’une. Soit l’acétamipride est un toxique tel qu’il doit être interdit immédiatement, mais alors on doit interdire les fruits et légumes venus d’ailleurs. Soit, il peut être utilisé (au moins en phase de transition) à des doses réglementées le temps que la science nous ouvre des alternatives. Mais n’est-il pas absurde d’interdire de les utiliser aux producteurs de cerises françaises tout en l’autorisant pour les cerises espagnoles qui inondent dés lors nos étals à des prix 3 à 4 fois inférieurs ?

Cela tue à coup sûr nos producteurs de cerises. Et cela ne protège en rien nos consommateurs si un danger réel était finalement avéré.

Parfois, l’interdiction est encore plus absurde. Encore une fois, personne ne conteste qu’il faille interdire ces produits pour préserver la bio-diversité. Pourrait-on au moins respecter la plus élémentaire des logiques. S’il est absolument vital de préserver nos abeilles (et autres pollinisateurs), il est absurde de prendre ce prétexte pour interdire l’acétamipride aux betteraviers. On n’a en effet jamais vu une abeille sur une plante de betterave, pour la bonne raison qu’elle ne fleurit pas et ne produit pas de pollen… Mais le betteravier lui voit disparaître sa production sous le coup de parasites.

L’étude de l’INRAE montre aussi que nos agriculteurs ont à nouveau été victimes d’un mauvais procès. D’une part, parce qu’on les a fait passés pour des empoisonneurs alors qu’ils sont potentiellement les plus à risque d’être empoisonnés. D’autre part, parce qu’ils sont bien volontaires pour changer de techniques, pour participer à des expérimentations. Ils demandent juste qu’on tienne compte de la réalité technologique et économique de leurs exploitations; qu’on leur offre des alternatives avant de les placer en situation de concurrence absolument déloyale.

Dans une démocratie mature et saine, le débat devrait donc porter sur la rapidité à laquelle nous pouvons interdire ces produits et donc sur celle de la science à offrir des alternatives.

Et en attendant il devrait se concentrer sur la limitation des quantités et les concentrations admissibles, sur les précautions sanitaires pour les utilisateurs, et sur le délai entre l’épandage, la récolte et la consommation. Car la durée de vie de ces produits dans la nature est faible. Le débat devrait aussi porter sur les moyens financiers engagés dans la recherche de solutions alternatives, et ces recherches devraient être mutualistes au sein de l’Union Européenne.

Ou alors, il devrait se tenir sur une interdiction totale de ces produits pour tous les fruits et légumes en circulation dans un même marché. Ce second choix serait alors le plus libéral (surprenant pour des écolos extrémistes). En effet, il revient à considérer que les fortes augmentations de prix résultant de cette interdiction vont limiter la consommation à tel point que les producteurs d’insecticides devraient mettre le paquet pour trouver d’autres solutions, d’autres produits non toxiques, leur permettant d’offrir un avantage concurrentiel majeur à leurs clients agriculteurs.

On le voit, la désinformation, la négation de l’état de la science par le débat public conduit à des décisions que rien ne permet de défendre.

Et malheureusement, ce n’est pas le seul sujet sur lequel cette forme d’obscurantisme envahit nos débats politiques, sans que la presse fasse son travail de contrôle et de « médiateur ». Sans que des responsables politiques n’aient le courage, ou les moyens, de faire entendre des voix de raison.

Et ça c’est une vraie maladie mortelle pour une démocratie. Car celle-ci ne peut exister que par le libre choix de citoyens éclairés sur le sujet abordés et non pas désinformés, effrayés par des mensonges, par des fantasmes, ou maintenus dans l’ignorance des connaissances scientifiques.

La démocratie a toujours été une tentative difficile de prendre des décisions en s’appuyant sur la raison, sur la connaissance, sur la science, en espérant qu’elles soient partagées par le plus grand nombre. Quand on tourne le dos à ces trois piliers de l’argumentaire démocratique, alors seuls les populistes et les obscurantistes peuvent l’emporter et les citoyens lucides ne peuvent que se détourner du débat public.

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Pierre ROUVROY
Éditorialiste

Les propos relayés dans cette publication n’engagent que leur auteur. Ruptures ne pourrait être tenu pour responsable.

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