20 ANS APRES LA LOI HANDICAP, QUEL BILAN EN MATIERE D’INSERTION PROFESSIONNELLE ?
Par CHRISTELLE FAVETTA SIEYES
Publié le 5 Nov, 2025
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Une loi, deux ambitions. Fondée sur le principe de non-discrimination, la loi handicap du 11 Février 2005 entend sortir d’une approche jusqu’ici purement médicale. Pour se faire, elle s’appuie sur deux principes : d’une part garantir le libre choix des personnes de mener à bien leur projet de vie, en veillant notamment à leur autonomie financière. D’autre part, renforcer leur participation citoyenne. Trois leviers sont censés y concourir : accessibilité, intégration scolaire et insertion professionnelle. Dans ce dernier domaine, si des progrès ont été réalisés, les écarts demeurent entre les ambitions affichées et leur traduction concrète sur le terrain.

Depuis plusieurs années, la Défenseure des droits alerte sur le premier motif de discrimination qui est le handicap, et plus particulièrement celui lié à l’emploi. Fin 2023, 39% des personnes en situation de handicap seulement étaient en emploi, contre 68% de la population totale.

D’un quinquennat à l’autre, une priorité revendiquée

28 JANVIER 2004 : selon le compte rendu du conseil des ministres, le projet de loi pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées « Traduit la volonté forte du Président de la République de faire de la place aux personnes handicapées dans la société l’une des trois priorités du quinquennat. »

7 JUIN 2017 : La secrétaire d’Etat chargée des personnes handicapées présente une communication intitulée « Handicap : une priorité du quinquennat ». Son défi : « une société accessible » assorti d’un « effort qui devra être couplé avec une mobilisation accrue des différents acteurs des services publics, de l’emploi et des employeurs ».

5 FEVRIER 2025 : La ministre des Solidarités présente une communication sur les 20 ans de la loi de 2005. « En matière d’emploi, priorité est donnée, chaque fois que possible, à l’emploi en milieu ordinaire en mobilisant et en responsabilisant plus fortement les employeurs. »

Une lente progression

Le Gouvernement a ainsi renouvelé en début d’année son engagement à intensifier les actions. Car les chiffres sont là qui témoignent des efforts à poursuivre : si le taux de chômage a reculé, il reste à un niveau élevé de 12% (19% en 2017). Tandis que plus de la moitié des entreprises d’au moins 20 salariés ne respectent toujours pas l’obligation d’emploi de 6% de travailleurs en situation de handicap. A cet égard, on peut souligner l’intérêt des actions portées notamment par le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPH), un établissement créé au lendemain de la loi de 2005 pour accompagner les employeurs publics. A titre indicatif, tandis que la fonction publique emploie près de 6% de personnes en situation de handicap (Contre 3 ,5% en 2006), la fonction publique territoriale est celle qui affiche la progression la plus importante avec près de 170% d’augmentation entre 2006 et 2023.

Le bilan contrasté de la Défenseure des droits

Pour la Défenseure des droits, si d’indéniables progrès ont été réalisés depuis 2005, d’importantes lacunes subsistent : accessibilité partielle, aides à l’autonomie insuffisantes et inégales, obstacles persistants à la scolarisation des enfants handicapés, insertion professionnelle semée d’embuches. En 2023, 37% des réclamations qui lui étaient adressées concernaient l’emploi. Au-delà des questions d’accès, 80% de ces réclamations portent sur l’évolution de carrière et le maintien dans l’emploi. Ainsi, plus de quatre personnes actives atteintes de maladies chroniques sur dix déclarent avoir vécu au moins une situation de discrimination dans le cadre de leur recherche d’emploi ou de leur carrière, contre environ un cinquième du reste de la population, soit une fréquence deux fois plus importante.

Au rang des facteurs aggravant ces discriminations, on note d’abord la représentation stéréotypée du handicap, laquelle se traduit notamment par des préjugés sur le niveau de compétence des personnes leur capacité et leur attitude à exercer un emploi. On mesure ainsi à quel point l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés ne suffit pas à garantir l’égalité de traitement. Au quotidien, cela se traduit par des aménagements de postes tardifs, l’affectation à un emploi non adapté ou le refus d’affectation en dépit des compétences avérées.

Pas de quoi encourager les jeunes

Dans une note d’analyse intitulée Jeunes en situation de handicap, une mobilité sociale entravée, publiée en juin 2025, le Haut-commissariat au plan dresse le constat suivant : « les jeunes en situation de handicap sont quatre fois plus nombreux à n’avoir jamais travaillé » et « ils ont presque deux fois moins de chances de devenir cadres ou profession intellectuelle supérieure ». Le handicap est souvent plus pénalisant encore que l’origine sociale dans l’accès au diplôme et à l’emploi. Et le Haut-commissaire de conclure : « cette étude ne porte pas sur la génération qui a bénéficié du fort développement de la scolarisation en milieu ordinaire, multipliée par trois depuis la Loi de 2005. Tout laisse à penser que cette politique d’inclusion scolaire peut changer la donne. » Et l’on renvoie ainsi à l’un des autres leviers de la loi de 2005 pour constater que tout est lié….

Et pour conclure….

A quelques mois des élections municipales de Mars 2026, et en période budgétaire tendue, on entend souvent des critiques quant à l’action sociale…. Or nous pouvons toutes et tous être des personnes en situation de handicap un jour. Un AVC ou un accident de la route par exemple peut changer radicalement une vie ; seule la solidarité nationale a la noblesse d’accompagner chacune et chacun dans l’épreuve.

Autre donnée importante : 30% des personnes en situation de handicap ne sont pas inscrites sur les listes électorales contre 12% pour le reste de la population. De mêmee, les personnes en situation de déficience visuelle ont toujours des difficultés à se voir reconnaitre le droit d’être accompagnées dans l’isoloir. Les élections municipales de 2026 pourraient être une traduction concrète de notre détermination à agir…

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CHRISTELLE FAVETTA SIEYES
Maire adjointe de Chambéry/ Conseillère départementale de la Savoie

Les propos relayés dans cette publication n’engagent que leur auteur. Ruptures ne pourrait être tenu pour responsable.

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