La dissolution calamiteuse décidée par Emmanuel Macron au soir de la gifle infligée par le résultat des élections européennes a ouvert – compte tenu de la composition de l’Assemblée Nationale – une période d’instabilité politique inédite.
Neuf mois après sa nomination à Matignon (quasi imposée au chef de l’Etat) François Bayrou a été renversé, une première sous la Ve, par une Assemblée Nationale hostile qui n’a pas voté la confiance qu’il sollicitait pour son gouvernement sur la question de l’endettement du pays.
Une décision aussi surprenante que le résultat du vote ne faisait aucun doute, dès l’annonce faite par le Premier ministre. Toute la gauche , le Rassemblement national et une partie des Républicains rejetant les propositions d’un budget d’hyper austérité présenté par Bayrou au cœur du mois de juillet. Avec pour chiffon rouge une suppression de deux jours fériés (alors que les Français avaient la tête dans les vacances) présentée comme effort de solidarité de tous (enfin de tous ceux qui travaillent) pour limiter la dette abyssale 3500 milliards. Que les mandats de Macron ont aggravée de plus de 1400 milliards en 8 ans seulement .
Neuf mois pour rien.
Et pourtant le vieux routier de la politique, supposément rompu à l’art de la négociation, ayant ses accointances politiques avec le Parti socialiste depuis 2012, se présentait comme celui qui garantirait la stabilité gouvernementale en obtenant du groupe socialiste à l’Assemblée, sinon un soutien, du moins une bienveillante abstention de censure.
La méthode affirmée du dialogue social symbolisée par le « conclave » – comme s’il s’était agi d’élire un pape – sur la réforme des retraites cachait en réalité un seul objectif : gagner du temps et durer en amusant la galerie .
Expliquer aux organisations syndicales qu’elles allaient négocier une réforme dont le cœur nucléaire, la mesure d’âge a 64 ans, principale raison de leur opposition à la réforme, de celle d’une majorité parlementaire, et plus grave d’une grande majorité de Français, a conduit au 49-3. Car de toute façon, elle ne pouvait être remise en question dans l’esprit de Bayrou et Macron . La belle affaire.
Le seul résultat obtenu par François Bayrou est d’avoir fini de braquer la CFDT qui s’est sentie mise en porte à faux et baladée par Matignon malgré sa volonté réformatrice raisonnable .
Autre fait d’arme du béarnais et qui a conduit à sa chute, prendre à revers les oppositions parlementaires et l’opinion publique sur la question de la dette publique et de l’urgence à infléchir la trajectoire financière de la France qui nous mène droit dans le mur.
Ce faisant on a l’impression que la macronie, voyant le mur arriver, non seulement a accéléré mais en plus joué du klaxon.
À l’exception de LFI, il existe un consensus assez général sur la nécessité de réduire le déficit budgétaire pour réduire à terme la charge de la dette de l’Etat .
Mais comment imaginer s’attirer les grâces des oppositions qui ont toutes les yeux rivés vers 2027, comme d’ailleurs les partis et les prétendants multiples dudit « bloc central », en contrevenant aux règles élémentaires de la courtoisie parlementaire ?
Pourquoi attendre le 15 juillet alors que les travaux parlementaires sont suspendus, que les Français ont la tête ailleurs, pour faire une conférence de presse lunaire, annoncer un budget en mode remède de cheval avec 44 milliards d’économes à trouver (ou de recettes nouvelles et donc d’impôts supplémentaires à ponctionner). Et pour annoncer des mesures comme la suppression de jours fériés, l’augmentation des franchises médicales ou une année blanche sur les pensions de retraites et les prestations sociales, qui ont fait s’étrangler jusque dans les rangs de la macronie .
À n’en pas douter les réactions immédiates ainsi que la très grande défiance de l’opinion publique – jamais premier ministre n’aura été aussi impopulaire sous la Ve République – auraient du mettre la puce à l’oreille du maire de Pau, lui indiquant que la suite allait être très compliquée voire ingérable .
Dès lors les tentatives pathétiques de prendre l’opinion à témoin , la chaîne YouTube estivale qui ne connut même pas un succès d’estime et la sur-médiatisation de la rentrée de septembre n’y firent rien . Le sort du Premier ministre François Bayrou était scellé. Il l’a d’ailleurs scellé lui même en mode accéléré en sollicitant la confiance de l’Assemblée nationale, une confiance qu’il n’avait aucune chance d’obtenir et qui lui a été refusée au delà même de la seule conjonction des oppositions.
Il a ainsi précipité le pays dans une crise politique et institutionnelle de plus, dont nous n’avions pas besoin, il a renforcé l’inquiétude des milieux économiques et de nos partenaires européens. L’abaissement de la note de la France par l’agence Fitch étant une des conséquences supplémentaires de ce fiasco.
Neuf mois pour rien. Et la nomination d’un autre macroniste pour lui succéder n’augure rien de bon, au point qu’il a trouvé le moyen de chuter avant de commencer. Vivement 2027 !
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