LA FISCALITÉ LOCALE, BROUILLARD ET INJUSTICES
A l’heure où tous les français doivent s’acquitter de la Taxe Foncière, certains s’en aperçoivent, d’autres pas ! Cet impôt est pourtant le plus injuste de notre immense armada fiscale.
Je dis bien que tous les français payent cette Taxe Foncière (TF) et pas uniquement les propriétaires de biens immobiliers. Les locataires aussi payent cette taxe, même si la plupart ne font pas de chèque au Trésor Public.
Ceux qui louent des locaux commerciaux le savent bien puisque la plupart de leurs baux prévoit le remboursement par le locataire de la Taxe réglée par son bailleur. Mais c’est aussi le cas des locataires de logements. En effet, s’ils ne reçoivent pas de feuille d’impôt et ne versent rien au Trésor Public, en réalité ils payent bien cette taxe à travers leurs loyers. En effet, un propriétaire bailleur n’est pas un philanthrope, il doit équilibrer ses dépenses (emprunts, charges et impôts) par ses recettes, ses loyers.
La fixation du prix du loyer dépend donc pour une partie conséquente du montant de Taxe Foncière que le bailleur verse chaque année à sa collectivité locale.
L’immense majorité des locataires serait étonnée de savoir la part que représente cette taxe dans leur quittance de loyer, alors qu’on leur fait croire depuis toujours qu’ils ne la payent pas.
Je me souviens encore des mines stupéfaites des locataires de l’Office HLM de ma commune lorsque je leur ai démontré que leur bailleur social payait chaque année en Taxe Foncière l’équivalent de deux mois de leurs loyers.
Et selon les territoires, cette part du loyer consacrée à la Taxe Foncière peut représenter entre un et trois mois de loyer.
C’est même sur cette fausse croyance que tout le monde payait la Taxe d’Habitation (TH) et que seuls les propriétaires payaient la Taxe Foncière qu’a été bâtie la réforme fiscale la plus injuste et la plus stupide des quinquennats de M. MACRON : la suppression de la Taxe d’Habitation. Évidemment, cette promesse démagogique a grandement contribué à le faire élire. Mais outre le fait qu’elle n’a en réalité rien fait économiser aux français, elle a accru considérablement l’inégalité des citoyens devant l’impôt, réduit la liberté de choix des élus locaux et vicié lourdement les débats politiques locaux.
Les français n’ont rien économisé car la » perte » des 10 milliards que produisait cette taxe a été comblée par des impôts et la dette de l’État, c’est-à-dire les impôts que nous décidons de faire payer à nos enfants. On se souvient de la crise des gilets jaunes. Le plan initial de M. MACRON était de rembourser partiellement les communes et départements grâce à une augmentation de 3,5 milliards des taxes sur l’essence, chaque année pendant trois ans (2018-2019-2020).
C’est ce que montrait la trajectoire budgétaire publiée par le Gouvernement de l’époque avant cette révolte de millions de français. Suite à la crise, les recettes perdues ont donc été remplacées par un bonneteau fiscal bien plus difficile à comprendre pour les citoyens, qui a transféré nombre de taxes locales entre les diverses collectivités ; bonneteau complété par des dettes étatiques.
Les inégalités devant l’impôt se sont accrues car sur les deux impôts locaux que payaient les citoyens, seule la Taxe d’Habitation tenait compte de la composition familiale et partiellement des revenus. Pour sa part, la Taxe Foncière ne tient compte ni de l’un, ni de l’autre.
Ainsi M. MACRON a réussi l’exploit de supprimer l’impôt le moins injuste pour que tout le monde continue de de payer le plus injuste.
Car pour la Taxe Foncière, que vous soyez une famille de 5 personnes ou célibataire, que vos revenus soient de 10 000 euros par mois ou se limitent au RSA, vous payez le même impôt (au fisc ou à votre bailleur) pour une propriété équivalente dans la même commune ! Les nouveaux retraités qui ont fait l’effort de devenir propriétaire au cours de leur vie le savent bien. Lorsqu’ils perdent une bonne partie de leurs revenus remplacée par une rente, la Taxe Foncière demeure la même et, pour certains, les contraints à vendre leur bien.
Avant la Taxe d’Habitation corrigeait un peu cela puisqu’une partie de vos taxes locales tenaient compte de votre situation sociale et familiale. Et les communes pouvaient accorder des dégrèvements selon la composition familiale, ce n’est plus possible !
La suppression de cette taxe a considérablement réduit la liberté de décision et d’action des élus locaux puisque la moitié de leur fisc alité leur a été retirée pour être « compensées » par des dotations décidées par lle Gouvernement. Pire encore, ces « compensations » sont figées dans le temps et leur font perdre du « pouvoir d’achat » chaque année. Ayant moins la maîtrise de leurs recettes, les élus locaux le sont automatiquement moins des dépenses qu’ils décident puisque la loi les oblige (heureusement) à ne pas dépenser plus qu’ils ne reçoivent.
Enfin, cette suppression a gravement nuit au débat public local. Désormais 40% des ménages (et davantage dans certaines villes dont les populations sont pauvres) ont l’impression de ne rien payer pour leurs services publics locaux. Il est bien plus difficile d’expliquer pourquoi on ne peut pas engager tel investissement ou développer d’avantage tel service quand tant d’électeurs n’ont plus l’impression que cela va leur coûter quelque chose… Sans compter que les 60% qui régler la TF ont l’impression d’être seuls à payer, alors que c’est faux. Voilà un état de fait délétère pour la démocratie.
Si on prend en compte qu’en plus de tout ça, le niveau de la Taxe Foncière varie considérablement d’un territoire à l’autre sans que les mêmes services puissent être rendus là où on paye le plus cher, on comprend l’absurdité et l’inéquité de l’ensemble du système.
Là aussi, cette taxe est profondément injuste puisqu’elle peut différer énormément d’une ville à l’autre. Les hypocrites vous diront que c’est normal puisque c’est un impôt local, décidemment librement localement. Sauf que c’est en grande partie faux et ça l’est encore plus depuis la suppression de la Taxe d’Habitation. La Taxe Foncière demeure en effet le seul impôt perçu par les communes auprès des habitants, presque le seul dont les élus locaux votent le niveau d’imposition.
C’est donc le seul levier fiscal à disposition des Maires pour équilibrer leur budget. Or le budget d’une commune dépend de très nombreux autres critères qui détermineront si la ville est riche ou pauvre, c’est-à-dire si elle a plus ou moins besoin de recourir à l’impôt. Or ce qui fait la richesse d’une commune aujourd’hui, ce n’est pas le niveau de revenus de ses habitants, ni même la valeur des habitations qui s’y trouvent mais essentiellement le nombre d’entreprises qui y sont implantées.
Ainsi, pour un même niveau de service, une ville bénéficiant des impôts de nombreuses entreprises devra moins faire payer d’impôts à ses habitants qu’une ville dont les entreprises sont absentes.
Ainsi, bien qu’ayant fortement augmenté l’an dernier, la Taxe Foncière d’un parisien (qui a tous les services possibles à sa portée), sera deux à trois fois moins chère que celle dans de nombreuses communes de banlieue qui n’offrent pas les mêmes services, faute de moyen et de fonctions de centralité. On voit bien que la liberté locale n’est pas pour beaucoup dans les inégalités d’impôts fonciers entre les citoyens des différentes communes.
Il serait donc nécessaire, juste et équitable, que les collectivités locales retrouvent de l’autonomie fiscale, pleine et entière par un impôt qui serait payé par les propriétaires et les locataires. Seul impôts local pesant directement sur le ménages, il prendrait en compte les niveau de revenus existants, mais par surcroit il serait l’occasion de rétablir l’équité entre ces centaines d’habitants de la ville.
Qu’on se place du côté de la justice fiscale ou de l’efficacité, la réforme des impôts locaux est sans doute une des plus urgentes qui soit.
JC LAGARDE
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