Les lois de décentralisation de 1982 portées par le Ministre socialiste de l’intérieur Gaston Déferre à la suite de l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République un an plus tôt constituaient une véritable rupture dans l’organisation territoriale de la France.
Force est de constater que quarante années ont passé marquées par un lent mais intangible phénomène de re-centralisation, l’Etat reprenant d’une main ce qu’il semble concéder d’une autre aux collectivités territoriales qui sont pourtant un maillon essentiel de la République , parfois le dernier point d’accès de nos concitoyens aux services publics dans des territoires ruraux ou de banlieues totalement abandonnés par l’Etat.
De réformes des structures ou du financement des collectivités en culture du contrôle de plus en plus affirmé et souvent aberrant de l’Etat, les quarante années qui nous séparent de la vague décentralisatrice de 1982 laisse un goût amer aux élus locaux aussi bien qu’aux partisans d’une République renouvelée faisant confiance aux corps intermédiaires et aux responsables locaux .
Le double quinquennat d’Emmanuel Macron marque sans aucun doute la pire des périodes pour les libertés locales tant la politique macroniste autant que le mépris affirmé par le président de la République envers les élus locaux ont constitué là aussi une véritable rupture des relations entre l’Etat et les collectivités , rupture initiée au plan financier sous le quinquennat socialiste de François Hollande avec la saignée financière imposée aux collectivités locales par l’Etat entre 2014 et 2017 .
Face à la Berezina financière à laquelle le gouvernement doit faire face avec un déficit public record , une dette explosive et l’incapacité à tenir ses engagements , la tentation sera forte pour tout futur Gouvenrement de taper les collectivités territoriales au porte monnaie . La petite musique des déclarations s’intensifie de semaines en semaines et la préparation du budget 2025 qui s’apparente à la quadrature du cercle pourrait bien sonner comme une nouvelle période de disette avec à la clé un véritable danger pour les services publics locaux.
Restaurer la confiance entre l’Etat et les élus locaux , donner véritablement les moyens aux collectivités d’exercer leurs compétences en toute autonomie politique et financière , coller véritablement aux spécificités territoriales et ainsi garantir une meilleure efficacité du service public à nos concitoyens passe à mon sens par trois ruptures aussi indispensables qu’urgentes.
La rupture des finances locales.
Il convient de mettre fin à ce lent mais certain processus de mise sous tutelle financière des collectivités par l’Etat et ceux alors même que la constitution leur garantit outre la liberté de leur administration sur laquelle nous reviendrons, leur autonomie financière. De baisse de dotations en suppression d’impôts locaux non totalement compensés les collectivités locales se retrouvent aujourd’hui prises dans un carcan financier qui limite leur pouvoir d’action autant que leur liberté de gestion. Je propose une dotation unique de l’Etat aux collectivités par habitant indexée sur l’inflation et la restauration d’un impôt local dont les collectivités ont la pleine maîtrise . Le lien rompu entre nos concitoyens et leur participation concrète, lisible au financement des services publics locaux est préjudiciable à leur adhésion au niveau de prélèvement obligatoire dont la France est championne du monde.
La rupture des libertés locales.
De réglementations outrancières dans de nombreux domaines touchant à l’exercice des pouvoirs locaux (urbanisme , travaux , accès aux services locaux ) en contrôles de plus en plus intrusifs du représentant de l’Etat dans la gestion des politiques locales , il est souvent à se demander si nous ne sommes pas entrés dans une ère où les maires , les présidents de département voire même de région ne sont pas devenus les exécutants des décisions de l’Etat. Nous proposons pour garantir vraiment les libertés locales la suppression du contrôle de légalité par le représentant de l’Etat , celui-ci s’effectuant naturellement par la justice administrative. Loin de mettre en danger la sécurité juridique des actes des collectivités, la responsabilisation des exécutifs locaux est à notre sens un gage d’efficacité juridique y compris.
La rupture de l’emploi public local.
Tous celles et ceux qui ont exercé des responsabilités dans les collectivités locales le savent. La question de l’emploi public local est au cœur des problématiques de l’organisation des collectivités . Difficultés de recrutement, faiblesse de la rémunération statutaire, rigidité du statut freinant les mobilités, crise des vocations, les maux sont multiples et la bonne santé du marché du travail ces dernières années n’a fait que renforcer ces difficultés . Une grande majorité des recrutements s’opère aujourd’hui hors concours , la voie contractuelle étant devenue la règle, la titularisation l’exception. Une succession de réformettes à tenté d’adapter le statut à cette réalité sans réussir à redonner à la fonction publique en général, à la territoriale en particulier, une attractivité renouvelée. Pour sortir de cette impasse et de celle de la faiblesse des rémunérations des agents publics , je propose de mettre fin au statut dans la fonction publique territoriale, de mettre en œuvre par la négociation avec les partenaires sociaux et les employeurs publics une convention collective protectrice des agents vis à vis de toute forme de pression politique mais qui permette une souplesse indispensable au recrutement. De la même manière, on doit changer la rémunération a l’indice qui est un carcan, que l’Etat décide seul de sa progression et que les collectivités en subissent les conséquences financières sans compensation. L’augmentation du point d’indice intervenant souvent l’année précédent les présidentielles, par hasard … Je propose là aussi que la négociation entre partenaires sociaux et employeurs publics conduisent à établir une grille salariale s’appuyant à la fois sur la progression de carrière et le mérite individuel.
Pavés dans la marre assumés, ces pistes de reformes radicales n’en sont pas moins des solutions pour remettre les libertés publiques et l’action locale au cœur de la République, celle des territoires et des corps intermédiaires, au service de nos concitoyens où qu’ils habitent, dans les quartiers comme au plus profond de la ruralité. Car ils vivent les mêmes difficultés comme un miroir de la réalité.
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